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Pensionante del Saraceni (Actif à Rome entre 1610 et 1620 ca.)

(Actif à Rome entre 1610 et 1620 ca.)

Saint Jérôme

Huile sur toile, 64 x 50 cm  

  • PROVENANCE
  • BIBLIOGRAPHIE
  • EXPOSITIONS
  • DESCRIPTION

Fig. 1

Fig. 2

Fig. 3

Fig. 4

Fig. 5

PROVENANCE


Chez l’antiquaire Di Castro, Rome ; 1965, Bologne, Collection particulière ; France, collection particulière.

BIBLIOGRAPHIE


-Anna Ottani Cavina, Carlo Saraceni, Milan, 1968, p. 49-50, p. 68, note 48, figs. 30-31 ;
-Benedict Nicolson, « The Art of Carlo Saraceni », in The Burlington Magazine, n° 806, mai 1970, p. 315 ;
-Raymond Ward Bissell, Anna Ottani Cavina, « Carlo Saraceni », in The Art Bulletin, vol. 53, n° 2, juin 1971, p. 249 ;
-Anna Ottani Cavina, « La Tour all’Orangerie e il suo primo tempo caravaggesco », in Paragone, 1972, n° 273, p. 3-23, fig. 10 ;
- Jean-Pierre Cuzin-A. Brejon de Lavergnée (dir.), I caravaggeschi francesi, Rome, Accademia di Francia, Villa Medici, 15 novembre 1973–20 janvier 1974, p. 78-79, n° 20 ; Paris, Grand Palais, 13 février-15 avril 1974, p. 80-81, n° 21 ;
-Benedict Nicolson – Christopher Wright, Georges de La Tour, London, 1974, p. 35-36, fig. 149 ;
-Benedict Nicolson, Caravaggism in Europe (Second Edition, Revised and Enlarged by Luisa Vertova), 3 vol., Oxford, 1979, I, p. 155, II, fig. 796 ;
-Anna Ottani Cavina, « Per il ‘Pensionante del Saraceni’ », in Scritti di Storia dell’arte in Onore di Federico Zeri, Venise, 1984, p. 614, note 8;
-Gianni Papi, « Un’apertura sul soggiorno italiano di Jacob Van Oost il Vecchio », in Studi di Storia dell’arte, 1, 1990, p. 175, 180, note 20 ;        
-Gianni Papi, in Caravaggio y la pintura realista europea, cat. exp. Barcelone, Museu Nacional d’Art de Catalunya, 10 octobre 2005-15 janvier 2006, p. 230, sous le n° 53, p. 422 ;
-Gianni Papi, in La ‘schola’ del Caravaggio. Dipinti della collezione Koelliker, Gianni Papi (dir.), cat. exp., Ariccia, Palazzo Chigi, 13 octobre 2006 – 11 février 2007, p. 112, sous le n° 28 ;
-David Franklin – Stephen Gritt, « A New Painting for Ottawa by the Pensionante del Saraceni », in National Gallery of Canada Review (Revue du musée des Beaux-Arts du Canada), VI, Ottawa, 2008, p. 5 ;
-Maria Giulia Aurigemma, « Il Pensionante del Saraceni (attivo nel secondo decennio del XVII secolo)”, in I Caravaggeschi. Percorsi e protagonisti, C. Strinati – A. Zuccari, Genève-Milan, 2010, II, p. 558, 561, note 38 ;
-Michele Nicolaci, « Il ‘Pensionante del Saraceni’. Storiografia di un enigma caravaggesco », in Carlo Saraceni. Un Veneziano tra Roma e l’Europa 1579-1620, Maria Giulia Aurigemma (dir.), cat. exp. Rome, Palazzo di Venezia, 29 novembre-2 mars 2014, p. 374, fig. 3 ;
-Valeria Di Giuseppe Di Paolo, « Note sulle opere disperse di Carlo Saraceni e qualche sottrazione », in Carlo Saraceni. Un Veneziano tra Roma e l’Europa 1579-1620, Maria Giulia Aurigemma (dir.), cat. exp. Rome, Palazzo di Venezia, 29 novembre-2 mars 2014, p. 378, 383, note 7.

EXPOSITIONS


I caravaggeschi francesi, Jean-Pierre Cuzin – Arnauld Brejon de Lavergnée (dir.), Rome, Accademia di Francia, Villa Medici, 15 novembre 1973 – 20 janvier 1974 ; Paris, Grand Palais, 13 février-15 avril 1974.
 

DESCRIPTION


Ce Saint Jérôme vient rejoindre le groupe restreint de tableaux de cet énigmatique artiste reconstitué par Roberto Longhi (1943)1 sous le nom de Pensionante del Saraceni. Dispersé dans les musées du monde entier, le groupe comprend : Le Reniement de saint Pierre (Rome, Pinacoteca Vaticana ; fig. 1)2, Le Vendeur de fruits et la servante (Detroit, Institute of Art ; fig. 2), Le Vendeur de volailles (Madrid, musée du Prado ; fig. 3), Le Cuisinier (Florence, Galleria Corsini) auxquels sont venus s’ajouter plus tard la Nature morte à la pastèque (Washington,National Gallery) puis notre Saint Jérôme et L’Enterrement de saint Stéphane (Boston, Museum of Fine Arts ; fig. 4), probablement l’œuvre la plus ancienne du groupe. Récemment, un ambitieux Saint Jérôme pénitent dans son cabinet d’étude (Ottawa, National Gallery of Canada ; fig. 5) est venu compléter cet ensemble qui se caractérise par sa qualité et son ancrage dans la Rome des années 1610/15 et 1620, comme le prouvent encore les inventaires de la collection du cardinal Giacomo Sannesi, mort en 1621, un important collectionneur romain où sont répertoriés L’Enterrement de saint Stéphane aujourd’hui à Boston et le Vendeur de fruits de Detroit.
Ce nom de « Pensionante » (le pensionnaire ou le locataire) de Saraceni trahit sa proximité stylistique avec le vénitien Carlo Saraceni (1579-1620) à un moment où ce dernier séjourne à Rome, de 1598 à 1619. Dans l’Urbs, ce maître central pour le mouvement caravagesque eut un atelier florissant et logeait sous son toit plusieurs de ses collaborateurs, parmi lesquels le lorrain Jean le Clerc (1586-1633) ; Saraceni était notoirement francophile, il s’habillait à la française et parlait cette langue. C’est un caravagisme adouci qu’il propose, vu au travers du prisme vénitien, une caractéristique qui imprimera le noyau retrouvé des œuvres du Pensionante del Saraceni, tout en exprimant chez ce dernier une moins grande dramatisation par rapport aux œuvres du Caravage (1571-1610).
Dès Roberto Longhi (1943) un consensus a voulu reconnaître à cet artiste un caractère français. La présence du Saint Jérôme à l’exposition sur les caravagesques français de 1974-1975 (Rome et Paris) n’a pas démenti cette opinion bien que les commissaires de l’exposition aient finalement reconnu que « ce peintre garde son mystère ». Benedict Nicolson, dans sa monographie sur Georges de La Tour, souligne à son tour le rapport avec la France et une consonance stylistique avec les œuvres du grand maître lorrain, notamment en raison de la gamme chromatique rouge-orangée, ici du boîtier du sablier, et de son intérêt pour la nature morte. La critique plus récente a accepté l’entrée du Saint Jérôme dans le corpus de l’artiste. Gianni Papi a apporté des suggestions quant à la nationalité de l’artiste dont pour lui, certaines œuvres pourraient être flamandes, alors qu’il voit certaines autres teintées d’influences émiliennes. La nationalité de notre artiste reste, encore aujourd’hui, une question ouverte.

L’artiste démontre ici une grande proximité avec son sujet. Saint Jérôme, l’un des quatre Docteurs de l’église latine, est saisi en buste alors qu’il est à l’étude, assis à sa table de travail. La Bible ouverte devant lui, le fait qu’il soit en train d’écrire, nous le présente comme un savant. Au premier plan, le crâne et le sablier sont les attributs rituels de la pénitence que ce saint a plus particulièrement pratiqué dans sa retraite au désert. Ce même sablier rouge se retrouve sur sa table de travail dans le tableau d’Ottawa, alors que Saint Jérôme est agenouillé, en oraisons.
Quant à la physionomie du Saint Jérôme, elle présente des affinités avec le type physique du Vendeur de fruits du musée de Detroit et du Vendeur de volailles du musée du Prado à Madrid, deux tableaux très tôt rattachés au corpus du Pensionante del Saraceni. En faveur du rapport très étroit entre le Pensionante et Carlo Saraceni – et de la datation précoce du Saint Jérôme dans la culture caravagesque romaine –  le même modèle apparait dans une des figures centrales du Saint Bennon récupère les clefs de la ville de Meissen, chef d’œuvre de Saraceni exécuté en 1617 pour l’église allemande de Santa Maria dell’Anima à Rome.
La douce clarté enveloppante qui frappe le front du saint Jérôme crée pourtant de fortes ombres sous sa main et devant le livre, plongeant le crâne dans une semi-pénombre. Quelques empâtements généreux sur le haut de la tête et sur la barbe viennent souligner les éclats de lumière. La mise en page sur un fond sombre, à demi-éclairé, s’inspire de la peinture des années 1610-1620, faisant du Pensionante un acteur de premier plan de la peinture caravagesque « en rapport avec le Saraceni de la période de la maturité et – continuait Roberto Longhi –  supérieur à lui du point de vue pictural ».



Notes :
1- Roberto Longhi, « Ultimi studi sul Caravaggio e la sua cerchia », Proporzioni, 1943, I, p. 5-63 ; Voir aussi Anna Ottani Cavina, Carlo Saraceni, Milan, 1968, p. 50, 68, note 48. Le Saint Jérôme y est publié pour la première fois.
2 – Le Reniement de saint Pierre est connu en de nombreuses versions dont le chef de file est la version aujourd’hui à la Pinacothèque Vaticane. En seconde position, vient celle de la National Gallery of Ireland de Dublin. Au musée de la Chartreuse de Douai se trouve une autre version, parfois encore considérée par la critique récente et le musée de Douai comme un original (voir Jean-Patrice Marandel, in Corps et Ombres. Caravage et le caravagisme européen, Michel Hilaire-Axel Hémery (dir.), cat. exp. Toulouse-Los Angeles-Hartford, 2012-2013, p. 126-127, n° 18) mais dont le caractère autographe est remis en question déjà par Nicolson (voir Benedict Nicolson, Caravagism in Europe, 3 vol., Oxford, 1979, 1, p. 155, sous le n° 793).