Bernardo Strozzi (Gênes 1581 - Venise 1644)
(Gênes, 1581/1582 – Venise, 1644)
Saint PaulHuile sur toile. 69 x 55 cm
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- EXPOSITIONS
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PROVENANCE
France, collection particulière.
BIBLIOGRAPHIE
- Camillo Manzitti, Bernardo Strozzi, Turin, 2013, p. 137, n° 141;
- Véronique Damian, Quatre nouveaux tableaux génois de Strozzi, Castiglione, Piola et Baciccio. Une sélection de tableaux du XVIIe siècle, Paris, Galerie Canesso, 2013, p. 26-29 ;
- Anna Orlando, in Bernardo Strozzi 1582-1644, cat. exp. Gênes, Palazzo Nicolosio Lomellino, 11 octobre 2019 – 12 janvier 2029, p. 124, 126, fig. 45.
DESCRIPTION
Cette figure à mi-buste représentant saint Paul est une toute dernière entrée dans le catalogue de l’artiste, nouvellement rédigé par Camillo Manzitti. Le sujet n’est pas nouveau dans son corpus, Bernardo Strozzi l’a volontiers traité avec un cadrage similaire mais avec d’autres poses et d’autres modèles (Bologne, collection Molinari Pradelli ; Gênes, Galleria di Palazzo Rosso)1. Notre saint, la main posée sur l’épée, l’instrument de son martyre, a le buste dirigé vers sa gauche, tandis que le visage est résolument frontal avec le jeu du regard tourné vers le haut pour lui donner de la vie. La forte caractérisation psychologique et physique, en particulier le rendu de la chevelure rousse, mi-longue, invite à imaginer qu’il puisse s’agir d’un portrait. Un rayon de lumière, derrière l’épaule au second plan, détache élégamment la figure du fond sombre. Le style de l’artiste se reconnaît ici à sa matière généreuse, posée en pâte, à ses accentuations rouges, en particulier au bout des doigts et sur les pommettes, à la sophistication des couleurs culminant dans le bel accord des bruns-roux et du vert, inhabituel dans sa tonalité, et qui ravive le premier plan. D’après les larges coups de pinceau qui structurent la forme, on sent à quel point Strozzi a médité sur l’art puissant du Flamand Pierre Paul Rubens (1577-1640), présent à Gênes en 1605-1606, exécutant des portraits qui, par leur dynamisme rigoureux, auront un impact considérable sur le milieu artistique génois. Camillo Manzitti date le tableau vers 1625, à un moment où la notoriété du peintre est bien établie. Le cadrage serré, coutumier de l’artiste, a sans doute été privilégié car il appréciait la spontanéité que permettait le rendu de l’expression en gros plan. Chronologiquement, il situe le tableau proche du mélancolique Saint Jean Evangéliste (autrefois, Chiavari, collection Mario Sanguineti), ainsi que de cet autre, très inspiré, Saint Jean Evangéliste, conservé au Palazzo Durazzo Pallavicini à Gênes2. Notre Saint Paul partage avec ces figures la mise en pages mettant en valeur, au premier plan, la main qui tient l’attribut. Du point de vue du style, les figures émergent d’un fond sombre, alors que la lumière se concentre sur le visage, une manière de suggérer l’inspiration divine tout en mettant l’accent sur la caractérisation psychologique. Entre fin avril et fin juillet 1625 pourrait se situer un probable séjour de l’artiste à Rome, vraisemblablement appelé par les capucins de son ordre qui souhaitaient renforcer leur présence dans la Ville éternelle. 1625 est également l’année du procès que lui font les capucins pour exercice illégal de la peinture en tant que frère de cet ordre, en dehors du couvent. Rappelé au couvent suite à une possible condamnation, il y sera retenu pendant dix-sept mois avant de fuir à Venise en 1632-1633. En effet, la jeunesse de Bernardo Strozzi est marquée par sa décision de faire, à l’âge de dix-sept ans, l’expérience de la clôture : il entre au couvent et il y reste neuf années, jusque fin 1608-début 1609 ; un laps de temps assez long qui, pour sa formation, le tient éloigné des ateliers. Mais il avait déjà appris les rudiments de son art auprès du Génois Cesare Corte, puis du Siennois Pietro Sorri (1556-1622), arrivé à Gênes fin 1595 et qui prolongera son séjour jusqu’aux premiers mois de 1598. Au couvent, il dut continuer à peindre puisque c’est à son talent dans ce domaine qu’il obtint l’autorisation d’abandonner l’habit de capucin pour prendre celui de prêtre, d’où son surnom dans la littérature ancienne de « prete genovese ». Il peut ainsi travailler pour les deux grandes familles de commanditaires génoises, les Doria et les Centurione. Des tableaux de chevalet, Bernardo Strozzi va rapidement évoluer vers la grande décoration à fresque, dont le point culminant apparaît dans la réalisation des fresques du chœur de l’église de San Domenico, commandées par la famille Doria, Gio Carlo et son cousin Gio Stefano. De ce décor presque entièrement détruit (le dernier paiement est attesté en 1622), un bozzetto subsiste, préparatoire à l’épisode central de la voûte, La Vision de saint Dominique (le paradis), conservé à Gênes, Museo dell’ Accademia Ligustica. Dans la Sérénissime, enfin libre après sa fuite de Gênes, il exercera son art pendant onze années qui seront couronnées de succès. Là, sa palette gagne en lumière et, sous l’influence de Paolo Veronese (1528-1588), en intensité. Des commandes publiques et une activité soutenue l’obligeront à collaborer avec d’autres artistes, en particulier le Padouan Ermanno Stroiffi.
Notes :
1 - Luisa Mortari, Bernardo Strozzi, Rome, 1995, p. 123, n° 193, 188, n° 480 ; Camillo Manzitti, Bernardo Strozzi, Turin, 2013, p. 179, n° 233, 197, n° 272. 2
- Camillo Manzitti, op. cit. note 1, 2013, p. 136, nos 142, 143.