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Elisabetta Sirani (Bologne 1638 - 1665)

(Bologne, 1638-1665)

L’ ange de l’Annonciation

Huile sur toile. 58,5 x 43,5 cm Signé et daté sur le col : « ELISABA SIRANI.F.1663 »

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  • EXPOSITIONS
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Fig. 1

PROVENANCE


Depuis 1930, Bologne, collection particulière.

BIBLIOGRAPHIE


- Carlo Cesare Malvasia, Felsina pittrice vite de’ pittori bolognesi…, 2 vol., Bologne, (1678), éd. de Giampietro Zanotti, 1841, rééd. 2004, II, p. 399 ;
- Fiorella Frisoni, « Elisabetta Sirani », in La scuola di Guido Reni, Massimo Pirondini-Emilio Negro (dir.), Modène, 1992, p. 349.

DESCRIPTION



La redécouverte de cet Ange de l’Annonciation est un ajout significatif au corpus d’Elisabetta Sirani,  « Pittrice Eroina » dans la Bologne du milieu du XVIIe siècle, comme en témoigne le biographe Carlo Cesare Malvasia (1616-1693) qui a beaucoup fréquenté l’atelier des Sirani et qui a admiré et loué le talent de cette toute jeune femme peintre.
Originaire d’une famille d’artistes, Elisabetta Sirani apprend son art dans l’atelier de son père, Giovanni Andrea (1610-1670) où elle fait figure d’enfant prodige, produisant à dix-sept ans ses premiers tableaux d’autel1. Pour éviter la confusion avec les œuvres de son père, elle signe les siennes dans une grande majorité, toujours très distinctement, affichant ainsi sa volonté d’être considérée comme une artiste à part entière. Signée en lettres capitales et datée 1663 sur le col de la chasuble de l’ange, notre toile n’échappe pas à la règle ; elle prend place dans les cinq dernières années de la vie de cette artiste disparue prématurément, à l’âge de vingt-sept ans, suite à un soudain problème de santé (et non pas des suites d’un empoisonnement comme le veut la légende). Sur un arc de temps si court, un peu plus d’une décennie, elle a réussi à produire un grand nombre de tableaux – environ deux cents –, à fonder une académie de dessin pour les femmes fréquentée par celles, cultivées et savantes, de la ville de Bologne, à former des élèves parmi lesquelles Ginevra Cantofoli (1618-1672). Elle-même, était réputée pour sa grande culture, pour son excellence dans tous les domaines y compris musical; ses obsèques trop tôt survenues donneront lieu aux honneurs d’une véritable gloire nationale.
Parmi la « Nota delle pitture fatte da me Elisabetta Sirani » (Liste des peintures faites par moi, Elisabetta Sirani) retranscrite par son contemporain, le comte Malvasia, l’artiste mentionne : « Una testa del naturale d’un Angelo per compagno d’una testa, che già feci d’una B. V. di simile grandezza, non sapend’io il padrone » (une tête grandeur nature d’un Ange pour accompagner une tête, que j’avais déjà faite d’une Vierge de même grandeur, ne sachant pas qui est le commanditaire) et publié en 1992 par Fiorella Frisoni, de localisation inconnue2.
Nous proposons de reconnaître ici cet Ange de l’Annonciation, tout juste réapparu, sans doute séparé, lors des vicissitudes des successions, de la Vierge qu’il accompagnait. Il est intéressant de noter que cette commande a été passée par un intermédiaire ou un marchand, qui n’a pas communiqué à Elisabetta le nom du commanditaire ; elle-même n’a pas cru bon de renseigner le nom de cet agent comme elle le fait pour d’autres commandes, notamment pour celles Médicis. Adelina Modesti3, à l’occasion d’une synthèse sur le marché de l’art à Bologne au XVIIe siècle et, pas uniquement en rapport avec Elisabetta Sirani et sa famille, conclut qu’il était l’un des plus vitaux de l’économie de la ville. Souvent l’intermédiaire agissait dans une sphère privée d’amis, de parents ou de connaissances. Dans notre cas précis, cet ange est certainement destiné à un particulier ayant l’ambition d’enrichir la Vierge qu’il a déjà, avec un programme iconographique plus complet. Ces œuvres de petits formats sont destinées à la dévotion privée, tout comme une moitié de la production d’Elisabetta.
En 1663, le style de notre artiste s’adoucit. Elle privilégie les petits formats et se souvient de la leçon du Corrège (c. 1489-1534) pour l’utilisation de cette matière légère, évanescente comme dans le détail des ailes, à peine suggérées sur le fond. Cette figure, toute en délicatesse, se détache sur un fond brun clair qui trouve un écho plus appuyé dans les bruns mordorés de la chasuble de l’ange ou les annotations des reflets dans les cheveux. L’index levé, la bouche entrouverte, l’ange paraît bien s’adresser à la Vierge, épisode caractérisé par la fleur de lys qu’il tient de la main gauche. Les larges ombres, très marquées sur le visage, évoquent le Portrait de Vincenzo Ferdinando Ranuzzi en amour (Varsovie, Muzeum Narodowe), lui aussi de 1663 et dans un petit format, légèrement plus grand que le nôtre cependant.
L’ascendance d’Elisabetta Sirani sur la peinture à Bologne pendant la décennie 1655-1665 fut cruciale, pour ce passage du classicisme – celui d’un Guido Reni (1575-1642) dont son père avait été l’élève – vers une peinture plus baroque, plus actualisée et de fait, plus moderne.



Notes :
1-Voir Adelina Modesti, Una virtuosa del Seicento bolognese, Bologne, 2004 ; Elisabetta Sirani pittrice eroina 1638-1665, Jadranka Bentini-Vera Fortunati (dir.), cat. exp., Bologne, Museo Civico Archeologico, 4 décembre – 27 février 2005.
2-Carlo Cesare Malvasia, Felsina pittrice vite de’ pittori bolognesi…, 2 vol., Bologne, (1678), éd. de Giampietro Zanotti, 1841, rééd. 2004, II, p. 399 ; Fiorella Frisoni, « Elisabetta Sirani », in La scuola di Guido Reni, Massimo Pirondini-Emilio Negro (dir.), Modène, 1992, p. 349.
3-Adelina Modesti, « Patrons as Agents and Artists as Dealers in Seicento Bologna », in The Art Market in Italy : 15th-17th centuries, Marcello Fantoni-Louisa C. Matthew-Sara F. Matthews-Grieco (dir.), Modène, 2003, p. 367-388.