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Carlo Magini (1720 - 1806)

(Fano 1720 - 1806)

Nature morte avec une tasse, des bouteilles, un pot en terre et un bougeoir

Huile sur toile. 60,5 x 78,3 cm

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Fig. 1

PROVENANCE


Monte Carlo, collection Francesco Queirazza.

BIBLIOGRAPHIE


Véronique Damian, Portrait de jeune homme de Michael Sweerts et acquisitions récentes, Paris, Galerie Canesso, 2006, p. 50-53.

DESCRIPTION


En 1990, Pietro Zampetti a établi le catalogue raisonné du peintre Carlo Magini qui connut depuis cette date un certain nombre d’« addenda » auxquels vient s’ajouter cette paire1. Zampetti avait répertorié pas moins de quatre-vingt-dix-huit natures mortes dans le corpus de l’artiste originaire de Fano (dans la région des Marches), dont l’activité dans ce domaine n’était pourtant pas documentée. Grâce aux articles pionniers de Roberto Longhi (1953) et Luigi Zauli Naldi (1954) qui publient, tour à tour, des tableaux signés de l’artiste, il a été possible de constituer autour de ceux-ci un groupe cohérent2. Magini était documenté comme peintre de figures, en particulier de portraits, mais il s’était fait une spécialité de ces tables apprêtées d’éléments qui se juxtaposent, sans véritable lien entre eux, pour en privilégier la clarté et la lisibilité.
Toutes sont composées sur le même schéma sévère, aux antipodes des joliesses baroques, mais toutes sont empruntes d’une poétique naturaliste d’une grande originalité, efficace dans son propos. D’emblée notons le rythme visuel : un bougeoir ouvre ou ferme chacune des compositions. Les différents objets et victuailles se déploient sur deux plans bien distincts : les plus volumineux à l’arrière alors que le premier plan présente les éléments les moins hauts, pleinement accessibles à la vue. Ici un couteau et là une cuillère permettent, en guidant l’œil, d’accentuer la perspective. L’ensemble, savamment disposé, se détache très distinctement sur un mur brun sombre qui tranche avec le plateau brun clair de la table où se concentre la lumière venant de la gauche. Dans chacune des compositions, chaque objet projette son ombre portée sur la droite donnant par là une unité à l’ensemble. La vraisemblance préside au choix des motifs, et l’artiste n’hésite pas à renforcer cette idée par des détails véristes comme le papier plié contenant le sel ou le poivre ou, encore, les bouchons de papier, annotations d’une précision quasi « archéologique » de ce monde du quotidien rendu avec une noble beauté. Le tour de force de l’artiste réside dans l’utilisation d’un répertoire restreint de formes simples dont l’agencement ne se répète jamais d’une œuvre à l’autre. Les tonalités, peu contrastées, sont exploitées dans les demi-tons ou pour les opportunités offertes par les couleurs complémentaires, dans notre cas précis les bruns-rouges et les verts. Par ce jeu mesuré sur les formes et les couleurs, ainsi que par l’utilisation du vide autour de ces motifs, Magini amène le spectateur à une sorte de dialogue entre le concret et l’abstrait.
Il reste difficile de préciser une chronologie à l’intérieur de sa production de natures mortes qui semblent n’être jamais datées et peu, ou pas, documentées. La signature, « Charles Magini/peintre/à Fano » [en français], retrouvée sur certaines compositions, a permis de redonner une juste paternité à ce groupe qui, du même coup, est à dater bien plus tardivement que ne le pensait la critique. Jusqu’alors ses compositions, toutes marquées d’une poésie nostalgique, étaient apparentées à celles de Paolo Antonio Barbieri (1603-1649) ou de tel autre maître, supposé français ou espagnol, du Seicento. À pris corps alors, une personnalité qui trouve naturellement sa place parmi les grands maîtres européens de la nature morte du XVIIIe siècle, de Luis Melendez (1716-1780) à Jean-Baptiste Chardin (1699-1779), des artistes qui partagent ce même sens de l’objet traité pour lui-même, dans un environnement silencieux, presque de recueillement.

Notes :
1. Pietro Zampetti, Carlo Magini. Catalogo ragionato, Milan, 1990 ; Pierre Rosenberg, « Une note sur Carlo Magini », Studi per Pietro Zampetti, Ancône, 1993, p. 444-445 ; Francesca Baldassari, Fasto e rigore. La natura morta nell’Italia settentrionale dal XVI al XVIII secolo, cat. exp. Reggia di Colorno, 20 avril-25 juin 2000, p. 228-231, n° 89 ; La Natura morta in Emilia e in Romagna. Pittori, centri di produzione e collezionismo fra XVII e XVIII secolo, sous la direction de Daniele Benati et Lucia Peruzzi, Milan, 2000, p. 286-291 ; Rodolfo Battistini - Emilio Negro - Francesca Eusebi, Ad vocem « Carlo Magini », cat. exp. L’Anima e le cose. La natura morta nell’Italia pontificia nel XVII e XVIII secolo, Fano, Edificio L. Rossi, 13 juillet-28 octobre 2001, p. 162-170.
2. Roberto Longhi, recension de l’ouvrage de Charles Sterling, « La Nature morte de l’Antiquité à nos jours », dans Paragone, 39, mars 1953, p. 62-63 ; Luigi Zauli Naldi, « Carlo Magini pittore di nature morte del secolo XVIII », Paragone, 49, janvier 1954, p. 57-60.