Maître de Torralba (Juan Arnaldín ?) (Aragon, Espagne, vers 1430-1440)
Actif à Saragosse dans la première moitié du XVe siècle
CrucifixionTempera sur panneau de pin 105 x 93 cm
- PROVENANCE
- BIBLIOGRAPHIE
- EXPOSITIONS
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PROVENANCE
Collection particulière, Rome (2012).
BIBLIOGRAPHIE
María Carmen Lacarra, « El retablo de la Virgen con el Niño del Maestro de Torralba, donación de los señores Várez Fisa al Museo Nacional del Prado », dans Actas del IX Encuentro de Estudios Bilbilitanos [Calatayud, Centro de Estudios Bilbilitanos, Institución “Fernando el Católico”, 13, 14 et 15 novembre 2015], Calatayud, 2016, p. 577, fig. 7 (reproduit).
DESCRIPTION
Cette Crucifixion a fait partie d’un retable, que nous pouvons situer en Aragon dans les années 1430-1440. Nous pouvons l’attribuer à l’artiste appelé le Maître de Torralba, un des peintres les plus intéressants parmi les artistes actifs dans cette région pendant le gothique international et à qui l’on peut attribuer plusieurs œuvres conservées dans des églises, musées et collections privées. Cette œuvre, provenant d’une collection particulière romaine, a été publiée par María Carmen Lacarra, en 2016, dans un article consacré à l’un des retables du Maître de Torralba1.
Dans cette composition de la Crucifixion, le Christ en croix se trouve au centre, comme le veux son statut de figure principale. Le corps du fils de Dieu est fixé aux troncs de la croix par trois clous, le plus gros aux pieds et deux autres aux mains. De ses blessures coule le sang, abondant le long de ses deux avant-bras et sur les pieds, avec un grand sens de réalisme.
Le peintre le décrit avec beaucoup de soin, le sang coule également sur la pierre du Golgota où la croix est fixée, ainsi que dans la partie inférieure où il a éclaboussé le délicat pagne (périzonium) transparent porté par le Christ, peint au moyen de glacis en abondants plis sinueux.
Le corps émacié, où les bras, jambes et cage thoracique sont peu musclés, renforce le pathétisme de la représentation. Le Christ est couronné d’un nimbe doré, avec une feuille métallique d’or, appliquée à l’eau et ornée de motifs poinçonnés. Sa longue chevelure lui tombe sur les épaules et son visage se distingue par sa délicatesse de réalisation. Il apparaît les yeux fermés, présente une oreille proéminente et une courte barbe bifide. Le rictus du visage est souligné par un froncement en forme de « U », entre les sourcils et les rides du front.
A gauche de la croix, nous voyons la Vierge Marie évanouie, brisée par la douleur après la mort de son fils. A ses côtés, une des Maries et Marie Madeleine l’accompagnent. Les visages expriment le chagrin, aussi bien par les attitudes que par les larmes, peintes avec du pigment blanc. La vierge Marie est habillée d’un manteau bleu, doublé de couleur ocre à l’intérieur ; le liseré doré est réalisé avec la technique de dorure à mixtion. L’étoile sur le manteau – son attribut traditionnel – est réalisée avec cette même technique. Elle porte une tunique rouge et ses cheveux sont recouverts d’un voile blanc, puis du manteau.
La Vierge est évanouie, comme le démontrent ses deux bras abandonnés, elle est soutenue par les deux Maries. Marie Madeleine porte une tunique et un manteau de couleur rouge intense, doublé d’hermine blanc. Elle arbore un nimbe doré bordé de noir avec des motifs poinçonnés, de même que l’autre Marie. La Madeleine a des cheveux longs qui tombent en formant de grosses boucles au-dessus des épaules. L’autre Marie porte un manteau bleu et est partiellement cachée derrière la vierge Marie.
De l’autre côté de la croix, en pendant, nous retrouvons saint Jean évangéliste, imberbe et d’aspect jeune comme il est représenté habituellement. Il porte une tunique verte avec les poignets et col ornés d’une bordure d’or appliqué à mixtion, tandis que le nimbe présente des caractéristiques identiques à ceux décrits précédemment. Au-dessus de la tunique il porte un manteau rouge avec le bord également doré, tandis qu’avec la droite il fait un geste curieux, comme s’il se demandait les raisons de la mort du Christ. Les habits sont surlignés par la généreuse présence des plis curvilignes qui donnent du dynamisme à sa figure. Il baisse la tête et l’expression de son visage exprime aussi la douleur, comme les signalent les larmes de ses yeux. Comme le Christ et la Madeleine, il fronce les rides du front, très marquées entre les sourcils. Ses cheveux sont décrits sous forme d’ondes très particulières.
Les figures, rassemblées au premier plan, ont une apparence majestueuse.
Leur présence se détache d’un environnement naturel assez simple, le sol fissuré et des montagnes rocheuses au second plan, découpées sur un fond doré lisse, une nature irréelle, ornée d’une frise arrondie de motifs poinçonnés dans la partie supérieure, qui accompagne le profil intérieur de la structure en relief. Il s’agit d’un type de paysage d’origine italienne, qui répond aux modèles habituels utilisées par les peintres de la Couronne d’Aragon au temps du Gothique internationale.
L’œuvre a gardé sa structure originale en bois, articulée avec deux pinacles de section architectonique, moulurée dans la zone centrale et couronnée d’épis. En plus, elle présente une crête en forme d’arc ogival, profilée à l’extérieur avec des feuillages et couronnée d’un fleuron.
Dans la zone délimitée par les interstices de l’arc nous avons une décoration végétale de couleur rouge sur fond jaune, qui reproduit les motifs caractéristiques « a la trepa » (en forme de plante grimpante), typiques dans les parties supérieures des retables du gothique hispanique.
La base inférieure, qui porte une inscription, a été surement rajoutée postérieurement, au cours du XXe siècle. Elle porte l’inscription : « se rendant obéissant jusqu'à la mort, même jusqu'à la mort sur la croix. » correspondant au texte du Nouveau Testament, lettre aux Philippiens (2:8-11)
Le revers du panneau nous permet de vérifier quelques questions techniques qui déterminent son système de construction, qui correspond parfaitement aux techniques utilisées par les ébénistes de retables de la Couronne d’Aragon au XVe siècle. L’œuvre est formée par trois panneaux de pin assemblés (le bois le plus utilisé dans les retables hispaniques de la période gothique) et encollés sur la tranche. La partie centrale est plus étroite que les panneaux latéraux. On apprécie les joints d’union, renforcés avec du plâtre et du textile de lin afin d’éviter les mouvements des panneaux dus à l’hygrométrie.
La structure a été renforcée, par trois traverses horizontales fixées avec des clous en fer forgé, introduits par la partie antérieure du panneau, avant d’appliquer la peinture. Les clous traversent le support et les traverses, et sont pliés sur ces dernières. Il est évident que cette structure est originale.
Au revers, on apprécie les différences entre le bois utilisé pour la partie inférieure, et le support et les traverses, ce qui nous permet de conclure que la base fut rajoutée au XXe siècle, surement lorsque l’œuvre a commencé à circuler sur le marché de l’art.
Une cale en bois a été rajoutée entre la traverse inférieure et la base pour ajuster les deux parties.
Attribution : Le Maître de Torralba.
Comme nous l’avons signalé précédemment, l’ouvre peut être attribuée sans problème au Maître de Torralba, peintre aragonais du Gothique international. La comparaison des compositions et du style ne laisse pas de doute. Nous pouvons confronter notre représentation avec les crucifixions des retables qui sont parmi les premières œuvres du peintre, le Retable de Saint André, encore conservé dans l’église de Torralba de Ribota (Saragosse) (fig. 1)2. La figure du Christ montre des caractéristiques très similaires, dans la position comme dans le traitement anatomique, de même pour le saint Jean-Baptiste, qui présente un visage et une position de la tête absolument analogue, en plus des boucles, très similaires. Le traitement du paysage et le fond d’or, sont également similaires à ceux de l’œuvre que nous présentons.
Nous pouvons citer aussi une Crucifixion, vendue aux enchères à Barcelone en 2015 (fig. 2)3, qui répond à un schéma très similaire, avec des coïncidences intéressantes, en plus de la typologie du corps du Christ et la forme avec laquelle le sang coule de ses plaies, les plis des vêtements, le fond doré lisse poinçonné de la partie supérieure ou la morphologie irréelle des montagnes. La même chose est à signaler pour la Crucifixion du Retable de saint Bartolomé, conservé actuellement dans la collection du Château de Castelnau-Bretenoux (Prudhomat, France) (fig. 3)4, avec un saint Jean Baptiste avec des caractéristiques similaires qui tient son manteau de la main gauche et fait un geste avec la droite, analogue au nôtre.
Nous pouvons rajouter une autre Crucifixion, vendue aux enchères à Paris en 2022 (fig. 4)5, où nous trouvons encore plusieurs coïncidences : les visages des personnages, les curieuses boucles de la chevelure du saint Jean, ainsi que le traitement de ses vêtements et les gestes qu’il fait avec ses mains, ou encore la présence des montagnes, le doré du fond, et inclus la même décoration poinçonnée vers la zone en contact avec la structure. De plus, la Vierge laisse tomber les bras de façon similaire.
On peut dire de même de la Crucifixion qui couronne le Retable de la Vierge du musée du Prado (fig. 5)6, où le fond doré lisse poinçonné dans la partie supérieure, le même type de montagnes rocheuses et les personnages correspondent à des caractéristiques analogues. Dans le cas de Marie qui s’évanouie en allongeant les bras comme dans les exemples cités, saint Jean évangéliste qui porte un vêtement aux tons pastel avec des plis sinueux similaires et incline la tête également. Les cheveux frisés et traits du visage similaires au saint de notre panneau. La Madeleine dont les boucles rappellent directement celle de notre sainte. Le retable du Prado a appartenu à la collection Varez Fisa, où est conservé une autre œuvre de l’artiste, le retable de Saint Pierre, qui présentait également une Crucifixion similaire à la nôtre (fig. 6)7.
Finalement un modèle différent, correspond à la Crucifixion de l’ancienne collection Keck de New York8, vendue aux enchères chez Christie’s en 1970 et 1992, conservée aujourd’hui dans une collection privée espagnole (fig. 7)9. Malgré cela, la caractérisation de certains personnages est à nouveau similaire, comme la Madeleine, qui a les mêmes boucles, vues dans les autres œuvres citées.
Le Maître de Torralba est une personnalité artistique très intéressante du gothique international en Aragon, non seulement par le volume d’ouvres conservées, mais aussi par leur qualité.
Sa personnalité a été créée par Chandler R. Post à partir de deux retables conservés dans l’église de Torralba de Ribota (Saragosse)10, située à quelques kilomètres de Calatayud. Il s’agit du Retable de Saint Felix et du Retable de Saint André (fig. 8 et 9), qui président encore aujourd’hui l’impressionnant chevet de l’église, ornée de trois retables gothiques. (fig. 10). Le troisième de ces retables est consacré à saint Martin, et est une œuvre autographe du peintre Benito Arnaldín11, qui vécut et travailla entre 1380 et 1435, date de son décès. La ressemblance de cette œuvre avec les deux premières, a amené Fabián Mañas à considérer qu’ils ont été réalisés par des artistes proches, et que pourtant les retables de saint Félix et de saint André, avec toutes les œuvres mises en relation par la critique avec le Maître de Torralba, pourraient être de Juan Arnaldín, fils de Benito, et peintre également12. Lacarra a accepté, au début avec des doutes, la proposition de Mañas13, mais Macías, au contraire, est en désaccord14. Selon l’avis de Criado, la similitude entre les retables de saint Felix et de saint André et celui signé par Benito Arnaldín, n’est pas si évidente et pense qu’ils doivent être datés un peu plus tôt, vers les années vingt15.
On sait que Benito Arnaldín eut trois fils qui ont aussi exercé le métier de peintre, Juan, Jaime et Benito16. Juan Arnaldín (doc 1433-1492), celui que nous intéresse le plus, eut à son tour sept enfants, un d’entre eux peintre, connu comme Jaime Arnaldín II. On ignore si Juan se forma dans l’atelier du père, même si à un moment donné il s’installe à Saragosse où il est documenté pour la première fois en 1433. Ce moment il facilite l’accès de son frère Jaime comme apprenti dans l’atelier de Pascual Orotoneda, ont signé comme témoin du contrat d’apprenti, les peintres Juan de Longres et Blasco de Grañén17, le peintre principal en Aragon à cette époque18. Les accords n’ont pas dû être satisfaisants, puisque deux ans plus tard, Jaime entre comme apprenti dans l’atelier de Blasco de Grañén, à nouveau en présence de son frère Juan, comme témoin19.
La relation entre Juan Arnaldín et Blasco de Grañén a persisté dans le temps, puisque le 5 févier 1440 et le 20 mai 1445 ; le premier fut témoin du second et tous les deux figuraient comme habitants à Saragosse20. Depuis 1446, par contre, Arnaldín est installé à Calatayud.
Nous connaissons plusieurs références documentaires sur les retables qu’il réalise pour différentes églises, comme celui réalisé pour le monastère des prêcheurs de Calatayud, qui fut achevé en 1446. En 1472, Maria Lopez de la Rua lui commande un retable consacré à la Madeleine, et cette même année, l’écuyer Jimeno de Liñan lui en commande un autre, qu’il devait réaliser en collaboration avec son gendre, Jaime de Valencia. On ignore pour quelles églises ont été destinés ces deux dernières commandes21.
Il se consacre aussi à la peinture de coffres et de rideaux, dont il avait essayé de contrôler les prix du marché, selon le document d’accord signé avec le peinte Anton de Santorquart, habitant de Calatayud22. Juan Arnaldín est documenté jusqu’en 1492, ce qui manifeste une longue et féconde trajectoire artistique23.
D’après toutes ces données sur Juan Arnaldín, entre 1433 et 149224, et si nous mettons en parallèle les œuvres attribuées au Maître de Torralba, nous devons prendre en compte que les ensembles comme le Retable de Saint André de Torralba ont été datés vers les années trente et quarante du XVe siècle, en lien avec le Gothique International. Si réellement l’identification du Maître de Torralba avec Juan Arnaldín était viable, il faudrait se poser des questions sur le style du peintre, à partir de la seconde moitié du XVe, et surtout sur son adaptation au nouveau langage influencé par le style flamand, car il resta actif jusqu’en 149225.
Nous sommes obligés de considérer comme une hypothétique l’identification du Maître de Torralba avec Juan Arnaldín, dans l’attente de retrouver un jour des documents qui nous permettraient de sortir des doutes26.
Par rapport au catalogue des œuvres attribués au Maître de Torralba, Post fut le premier en 1933, à regrouper dans un premier temps, le Retable de Saint Felix et le retable de Saint André de Torralba de Ribota, déjà mentionnés27. Cinq ans plus tard, il baptisa le peintre comme Maître de Torralba en rajoutant à son catalogue la Crucifixion de la collection Keck de New York et deux panneaux de prédelle de la Nelson Gallery of Art (Kansas City, USA) qui représentent la Descente de la Croix et La mise au tombeau du Christ, aujourd’hui en collection privée espagnole (fig. 11)28, et il rajoute aussi en 1941, le retable de Saint Bartolomé du Château de Castelnau-Bretenoux (fig. 12) et une prédelle qui appartenait à l’époque à l’antiquaire Thomas Harris (Londres) avec l’Annonciation, Nativité, Épiphanie, Résurrection , Ascension et Pentecôte29, aujourd’hui dispersée, puisque L’Épiphanie est au musée de Caracas (Venezuela (fig. 13) et l’Ascension et la Pentecôte dans le musée de Pontevedra (Espagne)(fig. 14)30.
Dans les publications qui ont suivi son A History of Spanish Painting, Post lui attribua un Couronnement de la Vierge du Metropolitan Museum of Art (New York)31 et finalement un Saint Jean Baptiste du Musée Cerralbo de Madrid32.
En 1955, Joseph Gudiol Ricard a signalé que le Maître de Torralba avait collaboré avec un autre peintre dans la réalisation du Retable de la Vierge, conservé dans l’église de Sabada (Saragosse)33, et en 1971, il publie une révision du catalogue des œuvres du peintre à partir des registres photographiques de l’institut Amatller d’Art Hispànic de Barcelone, institution qu’il a dirigé jusqu’à la fin de sa vie. Dans cette mise à jour du corpus des œuvres du maître, il a drastiquement réduit le catalogue établi par Post, car il a laissé seulement les deux retables de Torralba de Ribota, un retable de Saint Pierre de la collection Varez Fisa (fig. 15) et le retable de la Vierge du musée du Prado (fig. 16), conservé alors dans la collection Junyer de Barcelone34. Cette purge est à notre avis excessive car l’ensemble des travaux attribués par Post au peintre nous semble solide et cohérent, sans nécessité de retirer des œuvres.
En tout cas, les registres photographiques de l’Institut Amatller d’Art Hispànic de Barcelone supervisés par Gudiol, montrent qu’il existe d’autres œuvres qui peuvent être attribuées au peintre, comme par exemple les deux panneaux du retable avec l’Épiphanie et la Fuite en Égypte, présents sur le marché de l’art à Barcelone (Arteuropa)35, aujourd’hui dans une collection particulière andalouse (fig. 17), entre autres.
De même il faudrait revoir l’attribution de certaines ouvres que l’historiographie a mis en relation avec le maître, comme le retable de Medina (Burgos) (fig. 18)36, qui montre quelques différences stylistiques avec les travaux du Maître de Torralba, même si on ne peut pas nier sa similitude ; ou un panneau du retable avec le Christ de douleurs, entouré de la Vierge et saint Jean Évangéliste au Bowes Museum (Bardnard Castle, Royaume Uni) attribué au Maître de Torralba, par Eric Young en 198837. Il s’agit pourtant d’une œuvre du Maître de Miguel Del Rey, peinte actif dans la même région. Finalement dans la mise à jour qui s’impose sur le catalogue du Maître de Torralba, il faudra ajouter des œuvres apparues ces dernières années comme celles citées auparavant, les deux crucifixions vendues aux enchères à Barcelone 2015 et Paris 2022.
En conclusion, le Maître de Torralba est un peintre qui nécessite une nouvelle étude qui mettrait à jour, non seulement son catalogue, mais aussi qui le situerait encore mieux dans le contexte de la peinture aragonaise de la première moitié du XVe siècle.
Cette peinture inscrite dans le gothique international et plus concrètement dans celle produite dans la région de Calatayud a fait l’objet d’études de plusieurs spécialistes ces dernières années38, mais il faudra encore faire une révision pour élucider quelques aspects peu clairs et établir de meilleures connexions entre les artistes qui ont travaillé dans la région, entre 1400 et 1450.
À quelques exceptions près39, les études se sont centrées exclusivement sur les peintres en particulier et ont oublié une vision plus synthétique qui apporterait un panoramique d’ensemble sur les liens entre les peintres de Saragosse et ceux actifs dans les régions périphériques comme Calatayud. Cela apporterait sans doute une vision globale de la peinture aragonaise de la période que nous n’avons pas aujourd’hui et qui devient nécessaire.
Dans cette idée, cette révision de la peinture produite à Calatayud aiderait à élucider si derrière des personnalités anonymes comme le Maître de Torralba ou le Maître de Miguel del Rey, pourrait se cacher un des fils de Benito Arnaldín : Juan, Jaime et Benito, tous peintres, parmi les plus actifs et mieux documentes de cette période dans la région.
Provenance : La région de Calatayud.
Finalement et sur la provenance originelle du panneau, son format nous oblige à le penser comme le couronnement de la section verticale centrale d’un retable.
L’attribution au Maître de Torralba nous porte à croire que ce retable présidait sur l’autel d’une église proche de Calatayud, une région riche en retables, à la vue des sources, mais qui a souffert de la vente du patrimoine artistique au début du XXe siècle.
Calatayud est une ville aragonaise de 21.000 habitants, de la province de Saragosse, avec un patrimoine historique très important qui date de l’époque médiévale, de même que sa voisine Daroca. Dans les deux villes, se sont établis plusieurs ateliers d’artistes, bien documentés, qui ont fait d’elles des centres névralgiques de la peinture produite en Aragon au XVe siècle, spécialement pendant la deuxième partie.
Nous avons de nombreux témoignages de ce riche passé : des retables gothiques, certains ont réussi à survivre au temps qui passe, aux changements du goût et aux imprévus de l’histoire.
Ainsi, des retables complets se conservent dans la région.
D’autres œuvres provenant de cette région sont conservées dans des musées et des collections particulières comme les retables et panneaux de Cervera de la Cañada
Et encore d’autres peintures connues dont on ignore l’origine mais que par leur style et par leur paternité seraient de provenance des paroisses de cette région.
Il faudrait ajouter des villes avec lesquelles les peintres documentés à Calatayud ont signé des contrats, mais qui n’ont pas été retrouvées : la liste est longue et abondante avec des villes des régions avoisinantes40.
Dr. Alberto Velasco . Lleida, 27 février 2024
Traduction en français par nos soins
Notes :
1-LACARRA 2016, p. 577, fig. 7.
2-Sur ce retable, voir POST 1933, p. 63633, fig. 260 ; LACARRA 2012.
3-La Suite Subastas (Barcelone), 19 mars 2015, lot 54, 70 x 53 cm. Actuellement dans la collection de la Fondation Carlos Ballesta https://fundacioncarlosballesta.com/museo/coleccion/?mgi_139=4114/calvario
4-Attribution au Maître de Torralba dans POST 1941, p. 672-674. Voir Primitifs 1971, p. 781 et MAÑAS 1979, p. 98.
5-Aguttes (Paris), 28 juin 2022, lot 1, 161 x 117 cm.
6-Sur ce retable, voir SILVA 2014a, p. 229 et SILVA 2014b.
7-Le retable de saint Pierre a été publié par GUDIOL 1971, p. 76, cat. 101, fig. 124.
8-POST 1938, p. 820, fig. 326 et GAYA 1958, p. 310, cat. 2728.
9-Pour la vente de 1970 voir https://www.christies.com/en/lot/lot-2341928, vente du 1er janvier 1970, 105,4 x 81,9 cm. Pour la vente de 1992, voir Old Master Paintings, Christie’s (New York), 16 janvier 1992, lot 5. Voir Pintura 1997, n. 2 et HERMOSO 2009, p. 203.
10-POST 1933, p. 632-633 ; POST 1938, p. 820 ; POST 1941, p. 672-677.
11-Sur le retable de saint Martin, voir LACARRA 1987, p. 243-244. Le panneau avec la représentation de sainte Quitterie est autographe, il porte la signature du maître.
12-MAÑAS 1979, p. 97-101.
13-LACARRA 2003, p. 99-107 ; LACARRA 2012, p. 66-70 ; LACARRA 2016.
14-MACÍAS 2013, p. 160.
15-CRIADO 2016, p. 165.
16-Benito est documenté pendant la seconde moitié du XVe siècle mais nous ne connaissons pas les œuvres réalisées par lui (MAÑAS 1978a, p. 62).
17-SERRANO 1917, p. 447 ; LACARRA 2004, p. 213-214, doc. 13.
18-Sur Blasco de Grañén, voir LACARRA 2004, MACÍAS 2013, VELASCO 2015a et VELASCO 2015b.
19-LACARRA 2004, p. 215, doc. 17.
20-SERRANO 1917, p. 445 ; LACARRA 2004, p. 2221 et 229, doc. 26 et 38.
21-Voir les documents dans BORRÁS 1969, p. 191-192 et MAÑAS 1978a, p. 3324.
22-MAÑAS 1978b, p. 184.
23-Criado, par contre situe l’activité de Juan Arnaldín jusqu’en 1476 (CRIADO 2016, p. 163-164).
24-Lacarra situe la chronologie de Juan Arnaldín entre 1433 et 1459, elle affirme que « La présence de nouveaux documents dans l’archive de protocoles notariaux de Calatayud, qui font référence aux peintres de retables Juan et Jaime Arnaldín qui exercent le métier à Calatayud jusque dans les derniers années du XVe siècle, nous permettent penser qu’ils étaient membres de la même famille » . Nous pouvons en déduire que cette spécialiste pense qu’il existe plus d’un peintre appelé Juan Arnaldín (LACARRA 2012, p. 66), et que celui documenté à Saragosse en 1433 ne serait pas le même qui fait son testament à Calatayud 1492.
25-Nous avons présenté ces questions dans VELASCO 2017, p. 32-34.
26-Dans ce sens, voir SILVA 2014b, p. 26.
27-POST 1933, p. 633.
28-POST 1938, p. 820, figs. 326-327. Voir GAYA 1958, p. 310, cat. 2725. Pour la localisation actuelle voir Pintura 1997, n° 3 et HERMOSO 2009, p. 203 (reproduit en couleurs).
29-POST 1941, p. 672-677, fig. 316 (reproduction des panneaux de la prédelle : Nativité et Épiphanie). Voir GAYA 1958, p. 309, cat. 2724, qui donne les dimensions totales (53 x 246 cm).
30-Pour le panneau de Caracas, voir GRADOWSKA 1989, p. 14-15. Pour les panneaux de Pontevedra, voir VALLE-TILVE 2005, p. 132-133, fig. 1.
31-POST 1947, p. 785, fig. 326 ; GAYA 1958, p. 309, cat. 2723, localisation inconnue.
32-POST 1958, p. 609, fig. 259. Il faut ajouter l’attribution de deux panneaux de retable de saint Blaise et saint Antoine Abbé alors conservés dans le Museum of Fine Arts de Springfield (Massachusetts) (POST 1958, p. 609-611, fig. 260).
33-GUDIOL 1955, p. 170.
34-GUDIOL 1971, p. 76, cat. 99-102.
35-Voir les photos conservées à l’Institut Amatller d’Art Hispànic de Barcelona, clichés Arteuropa 61 et 62.
36-Sur ce retable, voir BARRÓN 2008.
37-YOUNG 1988, p. 159-161 (inv. BM 1082). Il l’avait vendu lui-même au musée en 1972.
38-Voir par exemple, VELASCO 2017, avec la bibliographie précédente et aussi les recherches de Fabián Mañas.
39-Voir CRIADO 1996.
40-Nous avons consulté les plans publiés par MAÑAS 1978a, p. 34-36, avec une mise à jour des œuvres non localisées par l’auteur et qui ont été récemment publiées.
Bibliographie :
BARRÓN 2008
AURELIO BARRÓN GARCÍA, “El retablo de Torres de Medina y las empresas artísticas de Juan Fernández de Velasco, Camarero Mayor de Castilla”, Goya, Revista de Arte, 322, 2008, pp. 23- 46.
BORRÁS 1969
GONZALO BORRÁS GUALIS, “Pintores aragoneses del siglo XV”, en Suma de Estudios en homenaje al Ilustrísimo Doctor Ángel Canellas López, Zaragoza, Universidad de Zaragoza, 1969, pp. 185-199.
CRIADO 2016
JESÚS CRIADO, “Arte y cultura en Aragón en tiempos de los primeros Trastámaras (1412-1458)”, Lambard: Estudis d’art medieval, 26, 2016, pp. 149-189.
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ANNA GRADOWSKA, Temas e imágenes a través del tiempo. Colección de la pintura europea medieval y moderna del Museo de Bellas Artes de Caracas, Caracas, Museo de Bellas Artes de Caracas, 1989.
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JUAN ANTONIO GAYA NUÑO, La pintura española fuera de España, Madrid, Espasa-Calpe, 1958.
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