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Josefa de Óbidos

(Seville, 1630 – Óbidos, 1684)

Nature morte au panier de fèves, branche de digitale, roses blanches et rouges, marguerites, papillons et escargots sur un entablement

Huile sur toile. 63 x 100 cm.  

  • PROVENANCE
  • BIBLIOGRAPHIE
  • EXPOSITIONS
  • DESCRIPTION

PROVENANCE


Florence, Leone Cei & Sons ; depuis 2010, Suisse, collection particulière

BIBLIOGRAPHIE


Carmen Ripollés, Josefa de Óbidos, Londres (Lund Humphries), 2025 (à paraître en septembre)

EXPOSITIONS


Forbidden Fruit : Female Still Life, Londres, Colnaghi, 27 avril – 24 juin 2022.
 

DESCRIPTION


La nature morte constitue le plus grand chapitre de l’art portugais du siècle d’or, se développant dans une grande variété de répertoire qui va des bodegón, aux fruits et fleurs, et y compris jusqu’à la vanité ; elle jouxte l’allégorie, la symbolique, avant tout religieuse.

Carmen Ripollés et Joaquim Caetano ont tous deux resitué notre œuvre dans la production de Josefa de Óbidos, en tant que création indépendante et non plus comme une œuvre de collaboration avec son père Baltazar Gomes Figueira (décédé en 1674), lui aussi peintre, et dans l’atelier duquel Josefa s’est formée, à Óbidos, au Portugal.

Les motifs principaux de cette nature morte : le panier de fèves, la digitale et les marguerites jaunes, se retrouvent sur une composition signée et datée 1676,  de Josefa, aujourd’hui conservée à Santarém, Coleção Museu Municipal de Santarém, Casa-Museu Anselmo Braamcamp Freire; (Inv. MMS/005463BF). La fève est une graine qui est symbole de fécondité, donc de vie, car elle porte en elle le germe de la future graine. La hampe de digitale rouge qui se déploie horizontalement sur le fond est un symbole marial par excellence car aussi nommée, doigt de la Vierge ou gant de Notre-Dame, Marie se serait servie de la digitale pour soigner une blessure à l’un de ses doigts. Placée à côté de la rose, cette allusion à la Vierge Marie est renforcée. Le papillon est un symbole spirituel fort, souvent associé à l’âme et donc à l’immortalité ; ici deux d’entre eux sont disposés symétriquement sur le fond sombre d’inspiration naturaliste. L’introduction de cette petite faune est tout à fait caractéristique de la production de Josefa, par rapport à celle de son père plus tourné vers le bodegón comme en témoigne son tableau, signé et daté 1645, du musée du Louvre.
Enfin, cette nature morte porte la marque du style de Josefa non seulement par les motifs qui lui sont propres, mais aussi dans la qualité de l’exécution, comme des annotations aussi sensibles que les gouttes d’eau sur la rose rouge au premier plan, sur l’entablement, les détails réalistes et minutieux avec lesquels sont rendus les feuilles ou les pistils des fleurs, presque dans un souci miniaturiste malgré la taille, assez imposante, de la composition.

Pour Carmen Ripollés, cette oeuvre peut être située, dans le temps où son père était encore vivant ou tout juste disparu (en 1674), du fait que le tableau ne porte pas de signature. En effet, elle ne signera ses oeuvres qu’après la mort de son père, et seuls quatre d’entre elles sont signées et datées1. Joachim Oliveira Caetano, situe quant à lui, notre oeuvre vers 16602, dans une décennie où l’atelier était encore dirigé par son père.

Baltazar Gomes Figueira (1604-1674), le père de Josefa, partit comme soldat à Cadix, puis il apprit la peinture à Séville, probablement avec Herrera l’Ancien ([v. 1590-1656], par ailleurs, le parrain de Josefa). Il apporta au Portugal, en 1636 (Josefa avait 4 ans), la « nouvelle » nature morte, dans le style sévillan, que l’atelier qu’il a fondé à Óbidos a gardé comme source principale de revenus. Josefa, après avoir étudié au couvent de Sainte-Anne à Coimbra, revient à Óbidos en 1653. Formée dans l’atelier de son père, peintre de figures mais aussi de bodegón, après la mort de ce dernier en 1674, elle y vécut en femme libre et indépendante et son corpus comprend des tableaux sacrés, des retables pour des couvents et des monastères, ainsi que des portraits et des natures mortes pour des collections privées. Josefa a d'abord utilisé le nom de son grand-père maternel (Ayala) et celui de sa mère (Cabrera), et a ensuite signé ses œuvres « Josefa de Óbidos ». C'était une femme cultivée, consciente de son statut et de ses responsabilités : pour vivre de son art après la disparition de son père, elle recourt aux commandes publiques pour assurer la subsistance de sa mère et de ses deux nièces orphelines qui habitaient avec elles. Elle renforce ses collaborations avec son beau-frère, José Pereira da Costa (actif à Coimbra et à Semide), ainsi qu’avec son frère peintre Antonio de Ayala. S'agissant d'une artiste-femme du XVIIe siècle qui a grandi dans un milieu catholique à une époque de profonde répression morale, la position qu'elle s'est créée dans cette petite ville de cour qu’était Obidos, est tout à fait exceptionnelle.


Notes :
1- Les quatre natures mortes signées de Josefa sont Nature morte avec des sucreries et des fleurs, 1676, huile sur toile, 85 × 161 cm (33 1/2 × 63 3/8 in), Coleção Museu Municipal de Santarém, Casa-Museu Anselmo Braamcamp Freire; Nature morte avec sucreries et poterie,  1676, huile sur toile, 84 × 160.5 cm (33 1/8 × 63 1⁄4 in), Coleção Museu Municipal de Santarém, Casa-Museu Anselmo Braamcamp Freire; Nature morte avec fruit, viande et volailles, 1676, huile sur toile, 83 × 157 cm (32 5/8 × 61 3⁄4 in), Casa dos Patudos, Museu de Alpiarça; et Nature morte avec une boîte et une corbeille de fruits et de fleurs, (datée 1677, dans une collection particulière à Paris). Illustrée dans Vítor Serrão et Nicolas Sainte Fare Garnot (dir.), Rouge et Or: trésors du Portugal baroque, cat. exp., Paris, Musée Jacquemart-André, 25 septembre 2001-25 février 2002, pp 148–149.
2- Communication écrite, 3 décembre 2024.